Les habitants de Noailhac évoquent une page de la guerre de 1939-1945

 

L’attaque du camp Grandel le 7 septembre 1943.


Souvenirs d'enfance et de Jeunesse

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 





 

Vacances forcées  Noailhac en temps de guerre

Souvenir de Mme Riconie

Juin 1940

 

Le Feu de Saint Jean

Souvenir de Mme Riconie

Juin 1942


Marie-Rose Barandiaran explique son attachement pour Noailhac

 

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A la fin de l’hiver 1943-1944, le sud de la Corrèze subissait les massacres et les pillages des nazis.

A l’aube du dimanche 16 avril 1944, la division Brehmer lançait une rafle  au sud-ouest de Lanteuil et au nord de Noailhac. Pour une trentaine d’hommes des deux communes, la vie prenait un tour dramatique.

Pour Marcel BROCH, Armand JALADI, Alfred LARBRE, d’Orgnac, Jean NICOLAS et Jean PAROUTEAU, de Chauffingeal, c’était la prison pendant une bonne dizaine de jours. Les Républicains Espagnols d’Orgnac, travailleurs du Comptoir du Bois et résistants : Antonio ANDUJAR, Jésus RUIZ, Angel et André SACRISTAN,étaient contraints de travailler en usine en Allemagne. Mais cette journée devait sceller le destin de leur compagnon LEAL VIDAL GOMEZ qui tombait sous les balles des nazis.


TEMOIGNAGE d'Armand JALADI

TEMOIGNAGE d'Antoine BROS

TEMOIGNAGE de René PAROUTEAU

TEMOIGNAGE d’Antoine ANDUJAR

TEMOIGNAGE de  Clémentine LARBRE

Quelques éléments de la vie de Jésus RUIZ confiés par Madame Yvonne RUIZ

TEMOIGNAGE de Baptiste NICOLAS


Croix  Orgnac

 

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TEMOIGNAGE d’Armand JALADI

( recueilli en 1994 par Raymond Jaladi)


Dimanche 16 avril, vers 4 heures du matin, j’entends du bruit…des voix… j’allume la lumière de la chambre pour prendre mes habits. J’allais ouvrir quand j’aperçois un allemand qui s’engouffrait dans le trou qu’il avait fait dans le bas de la porte d’entrée.

Pris de panique, pensant qu’il allait me tuer, je fais demi-tour. En chemise et le pantalon à la main, je m’enfuis par la fenêtre de ma chambre donnant sur le village. Lorsque je tombe dans le chemin profond, j’entends deux coups de fusil qui m’étaient destinés… Je rencontre une sentinelle qui ne me dit rien. Je continue pour gagner le bois de LAFON lorsque j’aperçois des allemands venant à ma rencontre. Je me dis « il vaut mieux que tu te rendes, tu as une femme enceinte, un enfant »… Je rebrousse chemin pour rentrer chez moi. Une sentinelle me  donne un coup de poing sur le nez et me dit :

  • « Vous patron là ? »
  • Je dis : « oui ».
  • « Vous habiller et me suivre »…
  • Pendant que je m’habillais, il me demande :
  • « Beaucoup de maquis ici ? »

Il me conduit devant le mur du fournil où j’aperçois les espagnols ainsi que mes voisins Bros, Broch et Larbre.  Pas un mot.

Après la mort de Vidal, je suis conduit dans la colonne escortée qui se forme pour rejoindre à pied les camions garés à Brousse. Je monte sur un camion ouvert, on s’arrête au Peyratel un moment. Puis par Montplaisir, nous rejoignons Nazareth. Les camions s’arrêtent devant le restaurant Philippe, on nous donne un petit morceau de pain. Je ne le mange pas… Je vois arriver le commandant De Metz. Son jardinier VITRAT monte avec nous. Puis, nous partons pour le lycée Cabanis. J’aperçois Parouteau, Nicolas de Chauffingeal, puis des hommes de la Boudie, de Rouffignac.

Je prends conscience de l’ampleur de cette rafle… Je vois du sang sur la grille du lycée. Je reconnais le tonneau de vin raflé dans la maison Larbre, posé sur la marche de  l'escalier avec un soldat allemand cassant la croûte à côté.

Dans l’après-midi, nouveau tri et je remonte dans un camion. A côté de moi se trouve Vitrat. Direction Tulle, où nous entrons à l’école de Souilhac.

On m’interroge, on me regarde les mains… On m’emmène dans une forge, où nous nous entassons à plusieurs. Le soir, nous couchons là. Nous n’avons rien à manger, la corvée de soupe ne nous avait pas trouvés.

Le lundi 17 avril, toujours dans cette forge, j’ai vu le maire de Noailhac, Monsieur Dayre. Il m’a dit qu’il avait peiné pour me trouver. Il avait vu les gens de Chauffingeal, mais pas Larbre. Il m’a dit qu’il s’était rendu à la Kommandantur et qu’il leur avait dit « qu’il n’y avait aucun communiste parmi nous ».

Le lendemain 18 avril, on nous installe des lits de camp dans l’école même. Nous ne savons rien – aucune nouvelle des camarades… l’angoisse s’installe, la peur  aussi.

La veille de ma libération, un planton parlant français me fait monter à l’étage en me disant de ne pas m’énerver… Je rentre dans une petite chambre avec une fenêtre, un lit, une table ; un allemand gradé et à coté de lui un interprète. Il me demande  pourquoi je m’étais enfui… ? .

Je réponds : « En général, ce ne sont pas des amis qui arrivent en défonçant la porte ».

L’interrogatoire continue :

  • « Quelle politique pratiquez-vous ? »
  • « Quel journal recevez-vous ? »

Puis il m’a dit de rejoindre la gare et, surtout, de ne parler à personne.

J’étais resté 14 jours enfermé, sans aucune nouvelle de l’extérieur.

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TEMOIGNAGE d’Antoine BROS

( recueilli en 1994 par Raymond Jaladi)


Mercredi 12 avril, des soldats allemands viennent à Orgnac puis vont à Lestrade, un village situé sur la  colline en face. J’entends un coup de feu tiré sur une ampoule extérieure de la maison Soustre.

Samedi soir 15 avril, Angel SACRISTAN, qui restait le plus souvent à Orgnac, est venu à la maison chercher des œufs. Ses copains étaient là me dit-il. Je lui dis de se méfier car les allemands étaient dans les parages, JALADI en avait vus à Stolan le vendredi. Il n’avait pas l’air de me prendre au sérieux …

Dimanche 16 avril à 4 H du matin, j’entends du bruit anormal, des voix fortes, je m’habille,  je vais ouvrir – les allemands – « Maquis ici ? »    « Non », je leur dis de  rentrer,  de regarder (ce qu’ils font sans fouiller) … puis repartent.

Un moment après arrive un officier, grand, blond (un capitaine peut-être). Il me demande en bon français si ses soldats étaient passés, qu’il les cherchait et m’invite à le suivre.

J’entends des coups de feu, destinés à JALADI, puis en arrivant au « couderc » j’aperçois JALADI avec le nez en sang. Devant le fournil, les espagnols sont déjà là, puis arrivent LARBRE et BROCH. J’assiste à la mort de Leal VIDAL. Lorsque les officiers vont lui donner le coup de grâce, les deux frères SACRISTAN s’embrassent.

Un détachement de quelques hommes descend aux Crèbes où habitait la famille COLOMB,  puis de là, à travers bois, ils iront à Lestrade.

Les allemands étaient tendus. Ils nous obligeaient à tenir les mains en l’air. Puis ils nous rassemblent, nous trient. Ils forment une colonne avec les espagnols, BROCH Marcel, LARBRE  Alfred, JALADI Armand et MALEPEYRE Fils pris la veille. Quand ils arrivent  à moi, un allemand me dit : « vous partir chez vous ».

Je prends à gauche pour rejoindre ma maison. Il me crie aussitôt « Raoutz » et me fait aller à droite. Sans rien dire, je me dirige vers la maison de Louis BROCH où j’entre … Pas de paroles, l’angoisse ! On regarde par la fenêtre. Je vois toujours des soldats allemands, puis tout à coup de la fumée, puis du feu. Nous ne bougions pas, comme paralysés. Sur ce fait, ma femme, ne sachant où j’étais, vient nous rejoindre… les allemands étaient partis …

Avec de l’eau et en tapant, nous nous mettons à éteindre le feu qui avait pris sur un cabanon jouxtant la maison BROCH. Pour le reste, il n’y avait rien à faire …

En compagnie d’Elie CLAUZEL qui n’avait pas été inquiété, je pars à Noailhac pour déclarer qu’il y avait un mort. Trouvant  la mairie fermée, je descends chez Labrunie-Germane où je rencontre les gendarmes de Meyssac qui avaient été alertés. Ils ne voulaient pas monter à Orgnac …

Je leur dis qu’il y avait un corps, un espagnol et que les allemands étaient repartis en emmenant des hommes.

Aussitôt alertés, les espagnols réfugiés à Noailhac viennent aux nouvelles. Ils décident de monter chercher le corps de Leal VIDAL .

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TEMOIGNAGE de René PAROUTEAU

(recueilli en 1994 par Raymond Jaladi)


Dimanche 16 avril, vers 8 H, je suis surpris par les allemands alors que j’étais occupé au jardin. Ils m’entraînent dans la cour. Arrive mon père, pris dans son étable, puis Jean NICOLAS. Antoine FOUILLADE qui tentait de s’enfuir par la fenêtre, est cueilli lui aussi. Les Allemands pénètrent dans notre maison pour la fouiller. Ils obligent ma mère à leur faire cuire des œufs qui étaient stockés là pour une vente prochaine.

Nous sommes rassemblés et laissés immobiles. Entre temps, je tente de m’asseoir sur des plots de chêne. Aussitôt, à grands coups de pieds dans le derrière, ils  me font mettre debout.

Vers midi, en nous poussant en avant, ils nous indiquent la direction du château de la Boudie. Sur notre initiative, nous évitons les deux camps de maquis pour rejoindre la cour du château.

Là, je suis mis contre un mur, les mains sur la nuque. Je suis interrogé le tout premier par un allemand qui se servait d’un traducteur.

  • Avez-vous des maquis ?
  • Où se trouve le camp du maquis ?

Une sentinelle m’appuie le canon du fusil dans le dos tandis que l’autre me fait parler. Je tiens bon. L’allemand me fait signe de partir. Arrivé à la lisière de la forêt, j’aperçois une colonne d’hommes se dirigeant vers le village des Places.

Je me suis assis ¾ d’heure peut-être… J’ai pleuré … Je réalisais que la situation n’était pas brillante. Je me disais : je suis perdu. Ils ont pris mon père – je suis l’ainé de 4 enfants avec une mère enceinte – Que vais-je devenir ? En arrivant à la maison, tout le monde pleurait … L’anéantissement quoi ?

Le lundi I7, en soirée, M. DAYRE, maire de Noailhac, vient nous avertir qu’il avait bien vu mon père ainsi que NICOLAS ; ils se trouvaient à l’école de Souilhac à TULLE.

Puis tous les deux ou trois jours, je prenais mon vélo jusqu’à Brive puis de là, le train jusqu’à Tulle. J’apportais un peu de ravitaillement aux prisonniers (du pain essentiellement).

Deux ou trois fois, je me suis trouvé dans le train avec M. DAYRE qui montait parlementer afin d’obtenir la libération des gens de Noailhac.

A l’entrée de l’école, des  Géorgiens nous prenaient ce que nous apportions. Ils se chargeaient de le faire passer aux détenus.

Un jour, un Géorgien me donne le portefeuille que mon père lui avait confié – A l’intérieur, mon père y avait glissé un bout de papier où il avait écrit : je dois partir en Allemagne, occupes-toi de tes frères et surtout de la mère. Chaque fois que je lisais ce message je pleurais…

Arrivé à Brive, je descends chez M. DAYRE et lui confie ce qui vient d’arriver. Alors, il me dit : ne t’en fais pas, je te promets que ton père sera demain à la maison. Ce fut vrai !

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TEMOIGNAGE d’Antoine ANDUJAR

( recueilli en 1994 par Raymond Jaladi)


Réfugiés espagnols avec les frères SACRISTAN,  Jésus RUIZ et Léal VIDAL, nous habitions à Orgnac dans une maison appartenant à la famille Larbre.

Samedi 15 avril au soir, nous  nous sommes retrouvés tous les 5 à Orgnac. Nous avons discuté ensemble assez tard. Vers 4 H du matin, j’entends du bruit. Je pensais que c’était Alfred LARBRE qui venait faire son pain dans le fournil attenant. On frappe durement à la porte. Par la petite fenêtre, j’aperçois des soldats allemands. Je me dis « on est pris ». A cet instant, je portais un short et un tricot kaki avec l’écusson bleu blanc rouge. Ma  réaction c’est d’enfiler  mon pantalon et de prendre la veste avant d’aller ouvrir. Les allemands avec leurs armes pointées me disent « terrorist » ? « terrorist » ?.  Ils nous font sortir et nous alignent devant le fournil, les mains sur la nuque.

A tour de rôle, une sentinelle nous emmène dans le bois derrière la maison Broch. Je suis interrogé par un petit lieutenant parlant français. La même question : « vous êtes maquisard ? »,  « Où sont les maquis ? ».  Je nie tout.

Je reviens au mur du fournil d’où je vois arriver les gens d’Orgnac.

Un fusil mitrailleur avec ses servants est mis en place sur le « couderc » en face de nous. C’est là que VIDAL me dit :

  • « On va bondir sur le fusil mitrailleur pour s’en emparer ! »
  • Je luis dis ; «  non c’est impossible, avec tous ces allemands autour. »
  • Il me répond aussi sec : «  Lolo no quiero morir como un Cobarde ! »  (Je ne veux pas mourir là comme un lâche)

Puis brusquement, il quitte le groupe, passe devant nous et va s’engager dans un petit couloir situé entre deux bâtiments, qui à une dizaine de mètres plus loin, l’aurait mis à l’abri des balles.

J’entends plusieurs coups de fusil, puis un bon moment après, un seul coup … Je me suis dit, c’est fini … le coup de grâce !  C’est confirmé par le lieutenant qui vient nous dire :

  • « Votre chef  tué, officier kaput ».

OUI,  Léal VIDAL était lieutenant de l’armée  républicaine espagnole.

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TEMOIGNAGE de  Clémentine LARBRE

( recueilli en 1994 par Raymond Jaladi)


Vers 4 H du matin on frappe fort, assez fort pour enfoncer la porte. Des allemands se présentent.

  • « Ici vous êtes 4 ? »

Je réponds que oui. Ils fouillent la table de nuit, les armoires. Ils mettent mon mari Alfred dans l’embrasure de la fenêtre.

  • « Vous faites parti du maquis ? »

Ils le giflent plusieurs fois. Il nie toujours.

Juste habillé avec ses galoches, une barbe de 3 jours, ils le poussent dehors et l’emmènent vers le village d’Orgnac.

Vers 9 – 10 H, j’aperçois, venant d’Orgnac, une colonne encadrée de beaucoup d’allemands. Je sors avec ma fille Yvonne, âgée de 7 ans. Arrivée à la hauteur de mon mari, je la pousse pour qu’elle embrasse son père, mais un allemand la refoule avec la crosse de son fusil… C’est alors que j’ai la conviction qu’ils allaient être fusillés.

Tournant la tête par dépit, j’aperçois de la fumée sur Orgnac…

En fin de soirée, les gendarmes sont venus nous dire de ne pas sortir, qu’ils allaient me faire une lettre comme quoi mon mari ne faisait pas partie du maquis. Cette lettre a été portée au Capitaine ARETZ de la Kommandantur installée à l’ Hôtel Terminus à Brive, par ma sœur Georgette.

Le lundi 17, le maire  M. DAYRE, est venu me dire qu’il avait vu JALADI, PAROUTEAU et NICOLAS, mais qu’il ne lui avait pas été possible de voir mon mari.

Le mardi 18 je suis avertie que  mon mari se trouvait à Lanteuil et qu’il montait à pied. Je suis allée l’attendre au village de la Boucheyrie.

La hantise du retour des allemands n’avait pas disparu pour autant …

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Quelques éléments de la vie de Jésus RUIZ confiés par Madame Yvonne RUIZ

(témoignage recueilli par Dany Lassalle en février 2010)


Yvonne Guichard, de Collonges, avait 10 ans en 1944.

Elle épouse Jésus Ruiz en 1950.

JESUS RUIZ est né le 25 mars  1919 à Menasalbas, dans la province de Tolède.

Républicain espagnol, il fuit son pays et arrive en France en 1939.

Blessé au cours de la guerre d’Espagne, il est soigné à la frontière puis à Perpignan.

Il sera ensuite envoyé à l’hôpital de Limoges. Il racontait qu’il avait donné sa chevalière en argent à une religieuse qui s’occupait de lui.

Lorsqu’il est arrivé à Noailhac, il était bûcheron pour le Comptoir de Brive  (la Société Pont-à-Mousson), sous la direction d’Albert de la Rougerie.

Il logeait chez Madame Marty avec d’autres espagnols avant de s’installer à Orgnac dans la maison  Larbre.

Avec un groupe de Travailleurs Etrangers, il rejoint le maquis en mars 1943 et participe à de nombreuses actions.

Il avait 25 ans au moment de la rafle de 1944. Il savait que les résistants avaient été dénoncés.

Après leur  arrestation, Jésus RUIZ et Antonio ANDUJAR ont été envoyés à Brive, à Cabanis, puis à Tulle. Ils étaient les plus jeunes du groupe.

A Tulle, Jésus RUIZ sera battu avant d’être déporté en Allemagne, à Sarrebrück.

Affecté le 25 avril 1944 à Ludwigshafen, où il est contraint au travail en usine, il sera blessé à l’épaule droite lors d’un bombardement.

Il est rapatrié le 26 avril 1945

Jésus RUIZ sera naturalisé Français en 1955, premier du groupe des Espagnols.

Il n’est retourné en Espagne qu’en 1960. Il ne voulait pas reconnaître le régime de Franco.

Il est décédé le 20 février 1999.

JESUS RUIZ était un compagnon de LEAL VIDAL GOMEZ. Madame RUIZ, qui avait 10 ans au moment de la rafle, se souvient très bien de lui :

Leal Vidal Gomez allait dans les fermes des environs, comme celle de la famille Guichard à Collonges, pour le ravitaillement du maquis. Il se procurait de la viande, des légumes. Il vendait aussi  la viande des veaux qu’il abattait.

Il était vêtu d’une veste blanche en laine de mouton et d’un pantalon pied- de- poule.

Ses compagnons  racontaient qu’au moment de son arrestation à Orgnac, il avait une lettre du maquis cachée dans ses chaussettes. Il avait tenté de s’enfuir pour ne pas trahir les résistants.

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TEMOIGNAGE de Baptiste NICOLAS

(recueilli en avril 2010 par D. Lassalle)


Baptiste (Gilbert) NICOLAS est né le 22 septembre 1928. Il n’avait pas 16 ans au moment de la rafle du 16 avril 1944.

Ses premiers souvenirs remontent à 1943.

Il se souvient des maquisards des Ensoult et de La Boudie qui venaient tous les soirs dans la cuisine de la maison Nicolas pour écouter la T.S.F. Les émissions brouillées, au son lancinant, sont restées dans sa mémoire.
Les maquisards « cassaient la croûte » et buvaient avec la famille et ils emportaient de la paille à leur camp. Ils venaient de Juillac, Ayen, Pompadour.

Jean Nicolas achetait des bêtes fournies en particulier par son cousin Marcelin Bachier, maire de Nazareth et Jean Parouteau les découpait pour les résistants. Ils les écorchaient dans la grange. Ils ont été dénoncés et les abattages ont dû se faire à la grange de L’Estranière, plus à l’écart.

Baptiste était témoin de ces opérations et apportait lui aussi du ravitaillement à la grange de L’Estranière. Des résistants arrivaient au coup de sifflet et transportaient la viande sur le dos jusqu’à leur camp.

Ils paieront ces vivres à la suite d’un parachutage reçu dans les bruyères, sur la colline voisine.

Le 7 septembre 1943, les G.M.R. traquent les résistants dans la forêt des Ensoult et de la Boudie et détruisent les équipements. Ils tirent sur le cuisinier du camp et le capitaine GMR est blessé. Ce jour-là, c’est jour de battage à Chauffingeal, le grand-père Nicolas chante comme il se plaisait à le faire. Un couplet sur « Le capitaine est mort » est perçu comme une provocation par les GMR qui tirent sur la batteuse et sur les consoles des lignes électriques.

Le 16 avril 1944, vers 8 heures du matin, les Allemands surgissent, les hommes des familles Nicolas et Parouteau sont mis en rond dans la cour, en face de la maison Parouteau, les mains sur la tête. La fatigue se faisant sentir, Baptiste baisse les bras, un soldat allemand l’oblige violemment à les remonter. René Parouteau reçoit des coups de pied pour la même raison.

Ils restent ainsi toute la matinée.

Les Allemands emportent tout le ravitaillement qu’ils trouvent chez Nicolas, Parouteau, Feix : les comportes de lard, petit salé, andouilles,…

Jean Fouillade, époux d’Angèle, gendre de Mr. Feix, se trouvait là par hasard. Il s’est fait prendre alors qu’il sautait par la fenêtre. Il a été relâché le soir-même.

Jean Nicolas, Jean et René Parouteau seront emmenés vers La Boudie. Jean Nicolas essaie de s’esquiver par un chemin en pente mais se fait rapidement siffler.

René Parouteau sera libéré à La Boudie. Jean Nicolas et Jean Parouteau sont restés 14 jours à Tulle.

Le père de Baptiste disait qu’il avait connu le nerf de bœuf tous les jours mais qu’il n’avait pas trop souffert.

Après sa libération, il est rentré en train jusqu’à la gare d’Aubazine, puis à pied jusqu’aux Places où il a déjeuné avant de revenir à Chauffingeal.

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L’attaque du camp Grandel le 7 septembre 1943.


A l’initiative de l’Association « Noailhac, Mémoire et Patrimoine », avec pour guide Raymond Jaladi d’Orgnac, Christian Lassalle et André Faure (Un maquisard de 89 ans, en chair et en os), Dany Lassalle pour les photos, nous étions une soixantaine à quitter le hameau de Chauffingeal pour le Camp Grandel (du nom d’un résistant fusillé à Genevilliers).  Auparavant, Dominique Mézan avait rappelé les noms des familles du lieu en remontant jusqu’au 16ième siècle.

Nous sommes en contrebas du Puy de la Ramière, direction est, nord-est.

Sur le chemin à notre gauche, une grange nous est signalée (à l’Estramière) : elle servait de garage pour les vélos et les remorques des maquisards. Elle devint vite un abattoir où un veau était débité tous les 4 jours afin de ravitailler le groupe.

Qui étaient ces résistants ?

Une trentaine de jeunes communistes refusant le STO,  encadrés par une quinzaine d’espagnols qui eux seuls connaissaient (et pour cause) le maniement des armes. Est à noter, et c’est important pour ma famille : la présence d’un résistant Tchèque !

Nous passons la barrière qui sépare le pré de la forêt et commençons une descente assez rapide. Le chemin a été nettoyé à notre intention. A un endroit très escarpé, des marches ont été façonnées dans la boue (Deux personnes se déplacent avec des béquilles).

Je commence à ressentir une forte impression… Comment dire : s’agit-il des parois d’un gouffre, d’une forêt primaire, de la forêt d’une Brocéliande limousine ? Tout était vert, une ambiance d’aquarium ! C’est à peine si la lumière du jour arrivait à s’infiltrer. A terre, des troncs couchés recouverts d’une épaisse couche de mousse… Humidité verte, terre et roches rouges…

Nous touchons le fond du ravin de la Loÿre, le ruisseau indispensable à toute survie en ces lieux perdus. Nous traversons et remontons légèrement sur l’autre rive. Le site est là : ruines du camp Grandel. Etagées sur des terrasses moussues, dans une végétation semblable à celle d’aujourd’hui, 17 cabanes effondrées mêlent pierres et bois. Charpentes encore clouées et reliées de fil de fer destiné à maintenir les bruyères et les genêts qui servaient de toiture,  charnières de portes et fenêtres en  pneus découpés… Un grand terre-plein : cuisine et réfectoire ? Et par-dessus tout, 70 ans d’un grand silence végétal, animé aujourd’hui par notre commémoration.

Vestiges du camp Grande Vestiges du camp Grande

Vestiges du camp Grande Vestiges du camp Grande

Nous voilà revenus en Juillet-Août 43 quand une sentinelle était postée aux Ensoults*, derrière l’Ecole de Brousse tandis que l’autre surveillait le côté  Chauffingeal. Le ravitaillement des Maquisards se faisait de nuit par « charretous » avec, comme pour toute alerte, des sifflements convenus.

On  appelait «  Légaux » les gens du pays qui aidaient.  Hélas,  Vichy entretenait la délation à tous les niveaux et début septembre, par mesure de prudence, il fallut déménager ce qui avait été prévu au départ pour durer. Un peu plus au nord-ouest, en contrebas des hauts de Cosnac, au pied de falaises mais sur un espace plat alluvionnaire, le 2ième camp Grandel  fut sommairement installé à l’aide de toile goudronnée. Désormais les camps allaient devenir particulièrement mobiles.

Il n’empêche que l’attaque eut bien lieu. Le matin du 7 septembre  43, de très bonne heure,  le chef « Justin » avec un compagnon partent en reconnaissance vers la route de Brive. Au camp certains dormaient encore, d’autres prenaient le café quand des bruits de voix leur parvinrent. La Police de Vichy était là et commençait à « mitrailler ». Il y eut bien riposte mais insuffisante.

Pendant ce temps, au village de Chauffingeal on battait. Le blé, je veux dire ! La batteuse était installée sur la place, reliée à sa machine à vapeur. Il faisait chaud, on avait bien bu, un enfant jouait au ballon dans le pré quand les balles se mirent à siffler (on en retrouva dans les citrouilles !)

Au loin, Justin impuissant, entendit l’attaque. Neuf résistants furent pris (prison ou déportation), les autres se retrouvèrent au  lieu convenu de ralliement : le Château de la Boudie sur la route de Lanteuil pas très loin de Brousse.

La police de Vichy remonte au village avec ses prisonniers. Les paysans  continuent à battre leur blé. Un policier demande à boire. Alors un gars du pays lui montre le purin qui s’échappe de l’étable à cochons et dit : « Voilà ce qui est bon pour toi ! » Furieux, l’autre tire mais sans succès  dans  la machine à vapeur et son compagnon l’entraîne en disant : « Laisse tomber, ces gens ont bu. » Carnage évité !

A partir de ce jour les maquis se déplacèrent vers Orgnac et on connaît la suite… mais ceci est une autre histoire…

Merci à cette association de Noailhac pour avoir organisé, à la date du 70 ième anniversaire, cette commémoration. Les Maquisards des Ensoults avaient réalisé pas mal de sabotages en particulier au dépôt de la gare de Brive.

RESISTER c’est croire qu’un monde plus juste est possible !

 

Marie-Rose Barandiaran, membre de l’association

*Ensoults : Lieu-dit qui comportait 3 maisons déjà détruites fin 19ième.  Au 17ième l’endroit fut encerclé par les loups lors d’un rude hiver et les paysans en tuèrent 30 selon les archives de Noailhac !

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Vacances forcées  Noailhac en temps de guerre

Souvenir de Mme Riconie

Mme Riconie

 

 

Mme Riconie , née Marie-Henriette Sacreste, était la mémoire de Noailhac. Passionnée d'histoire, elle a exposé dans son livre "un si joli petit village", le résultat de ses recherches sur le passé de notre commune. Née en 1916, décédée en 2009 , elle a été aussi un témoin du 20éme siècle et plus particulièrement de la guerre de 1939 1945.

A part les dramatiques évènements d’Orgnac en Avril 1944, peu de faits marquants se sont produits à Noailhac durant la guerre. Elle se souvient pourtant particulièrement bien de ce jour où, jeune secrétaire de mairie, elle a dû faire face à une situation inhabituelle.

Juin 1940 : c’est l’exode, les populations civiles fuient l’avancée des troupes allemandes.

exode 1940 exode 1940

Photos internet


Noailhac a déjà vu arriver une première vague de réfugiés en 1939, à la déclaration de guerre. Il s’agissait surtout de Parisiens qui avaient des parents dans la commune (Faure, Vichy...). 106 personnes sont ou ont déjà été hébergées depuis cette date.

Le 12 juin 1940 alors que personne ne s’y attend, une seconde vague de réfugiés arrive dans le bourg. Entre 14 et 15 heures, deux camions transportant 37 personnes s’arrêtent sur la place. A bord, c’est la confusion. Des hommes se disputent, chacun accusant l’autre d’avoir écrasé sa valise ou laissé son chien souiller son matelas. Tous sont fatigués, excédés. Ils arrivent de la région parisienne ou d’Orléans, ils ont été bombardés tout le long du chemin et n’ont pu s’arrêter.

Melle Sacreste, la secrétaire de mairie, se présente pour les accueillir. Elle est seule à  pouvoir le faire : le Maire M Dayre, est à la Courtine, les adjoints M. Lacombe et Serrager , font les foins.

 

Un homme descend d’un camion et lui remet un papier  en-tête du comité de Brive demandant à la commune de Noailhac de nourrir et loger ces personnes. Brive, surchargé, n’a pas les moyens de le faire. Les circulaires reçues en mairie plusieurs semaines auparavant donnent au maire le pouvoir de réquisitionner des logements, du bétail, de l’alimentation. Le tambour de ville a déjà informé la population. Le percepteur versera à la mairie, une indemnité de 9 Francs par personne et par jour, pour le réfugiés ou ceux qui les prennent en charge.

Dans l’immédiat, il faut faire face à l’urgence : une quarantaine de personnes à loger dans une commune de 390 habitants, ce n’est pas simple. La tentation serait de les envoyer à Meyssac, au Secours National, mais le Comité Michelet doit être lui aussi bien débordé. Dans les camions c’est toujours l’agitation, les insultes pleuvent. Heureusement , la vue de la fontaine et de l’abreuvoir qui se trouvent alors devant l’église les calme un peu.

lavoir devant l'église

Des réfugiés s’y précipitent et commencent à se laver. Avec tact, il faut leur demander de ne pas mettre de savon dans le bac où les animaux viennent boire. Ils utilisent donc des bassines et font leur toilette.


Mais le plus dur reste à faire. Ils n’ont pas mangé depuis 24 heures. Melle Sacreste se rend au restaurant de Mme Chalvet, très accueillante, qui se met en quatre pour préparer un repas consistant avec ce qu’elle a sous la main : une soupe, une omelette au lard, des pommes de terres de terre rôties seront promptement cuisinées. Elle rajoutera du fromage de la ferme voisine et même un gros panier de cerises qu’elle vient de cueillir. La boulangère de la gare de Turenne a livré le pain ce jour-là, c’est une chance. Le restaurant de Mme Labrunie est également mis à contribution.

La dernière difficulté est de trouver un logement pour les nouveaux arrivants. Les bâtiments libres comme ceux qui occupaient alors l’emplacement de la salle des fêtes ou la maison Orpheuille seront occupés de même que les granges Dulmet ou Jarrige, d’autres aussi. Le presbytère accueillera un curé et son père ainsi que deux familles; Les grosses fermes de la commune, en particulier vers la gare de Turenne seront sollicitées. Certains se passeraient peut-être de cette surpopulation, mais la solidarité joue et l’accueil est souvent chaleureux. On apporte quelques objets utiles, M Sacreste donne des matelas. Mme Riconie se souvient en particulier de la gentillesse de Maria Bouygue et de Mme Serrager qui reçoivent fort bien trois demoiselles âgées pour la première, et une famille pour la seconde.

Finalement, lorsque l’angélus du soir sonne, tous les réfugiés sont nourris, lavés et logés. La secrétaire de mairie pousse un «ouf» de soulagement, elle a su maîtriser la situation !

Dès que ce sera possible, certains de ces expatriés repartiront pour rejoindre leur famille. D’autres resterons plusieurs mois. La plupart quitteront Noailhac en octobre. Une place gratuite sera réservée pour eux dans le train de Paris.

Peu à peu, le village retrouvera sa population habituelle.
Entre 1939 et1945, 203 réfugiés auront trouvé asile à Noailhac. Dans le même temps, 32 prisonniers de guerre étaient retenus outre- Rhin.




 

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Le dernier feu traditionnel de Saint Jean le 24 juin  de 1942.


Un souvenir de jeunesse de Madame Marie-Henriette Riconie :

 

Voici la Saint Jean ! La belle journée !

 

Ainsi commençaient, par ce chant, les anciens feux de la St Jean .

Le feu fut construit à l’embranchement des routes vers Meyssac (la route des Allemands de 1915), face aux vieux noyers. Les enfants s’étaient démenés et avaient traîné beaucoup de fagots. A la nuit tombée, les habitants du bourg, la JAC locale (Jeunesse Agricole Catholique), étaient réunis face au feu, qui fut  bâti, selon la tradition, puis allumé à la première étoile. Gerbe de feu !

Les mères avaient apporté leurs chaises. Les chants commencèrent. Les filles JAC, avec le renfort des enfants, de deux Compagnons de France, ramenés par Monsieur Dulmet pour faire les foins et les moissons, bien astiqués, propres et nets (Pierrot  qui était chez Monsieur Jarrige et  Mario qui était chez Monsieur Dulmet), avaient le même répertoire scout que nous, depuis « Une fleur au chapeau », « Lisa »… Les « Compagnons » mimèrent en chantant, « la chanson de Mandrin ». Puis tournèrent des rondes autour du feu, « Auprès de ma blonde », des bourrées limousines, montagnardes…etc.

Et puis les chants devinrent plus sérieux : « J’attendrai », « Si tu reviens », « Rappel des prisonniers », « Ave de Lourdes ». Puis dans la pénombre, deux anges autour d’un berceau antique (il avait cent ans), Jane étant Elisabeth, les filles JAC, les voisines voilées, nous lisons l’évangile de la nativité de Saint Jean.

Les jeunes sautent encore, le tas de braises. On termine par le chant « L’ombre s’étend sur la terre ». Après, c’est la prière et le rappel des prisonniers et de la guerre. Les mémés viennent retirer les tisons qui protègeront leurs maisons de l’incendie.

Ce fut notre dernier feu de Saint Jean traditionnel. En 1943-1944, les feux furent supprimés. Les jeunes STO  (Service du Travail Obligatoire) gagnèrent le maquis. Celui de la forêt de Turenne s’installa en partie aux Ensouls en 1943 et à Linoire, en 1944.

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Marie-Rose Barandiaran-Jaubertie, membre de l’association, explique son attachement pour Noailhac.

NOAILHAC, PLUSIEURS LIENS POUR UNE ATTACHE…


Il y a quelques mois je me suis posé la question suivante :

- "Pourquoi me retrouver dans l’Association « Noailhac Mémoire et Patrimoine » alors que je suis de Collonges ?

Ai-je simplement « craqué » pour le « si joli petit village » ou faut-il  chercher bien plus avant ?

Alors, j’ai tenté de rassembler quelques brins de mémoire et les liens sont apparus, composant un bouquet somme toute bien fourni, coloré et sentant bon un parfum de jadis mêlé à celui du présent.

Brive, printemps 1944. J’ai 3 mois, les allemands bombardent le dépôt de la gare de Brive. Ma mère donne congé à ses ouvrières,  glisse sous le matelas de mon landau quelques objets et allonge le pas : Rocher coupé, Montplaisir, et mon premier passage au Puy de la Ramière. Puis Brousse, Croix de Stolan,  Dourieu et enfin Peyrelimouse où mes grands- parents se sont repliés depuis Paris dans deux maisonnettes héritées de mon arrière-grand-mère.  J’imprime  pour toujours des odeurs de mousse, de fougère, d’humus humide.

Quand je fus en âge de parcourir quelques Kms, mon grand-père, maçon de profession (qui fit d’ailleurs une réparation dans l’église de Noailhac), nous emmenait souvent à Orgnac où il aimait parler avec Mr Jaladi père, maçon également. C’était loin, Orgnac, pour mes petites jambes mais je me souviens très bien du bel escalier de la maison et de Raymond et Jean- Marie avec qui je n’échangeais, bien sûr, pas un mot ! Quand cette famille quitta Orgnac pour Brive nous allions encore les voir Rue Général Dalton. Quel plaisir  d’avoir retrouvé Raymond et son frère lors d’un feu de St Jean à Orgnac dans les années 90.

Tous les étés voyaient revenir à la côte de Collonges, autour de Maria et Ernest Jacquel, leurs enfants et petits-enfants. Pas d’autos, pas de supermarchés, on se fournissait dans les fermes et auprès des commerçants ambulants. Ce qui nous amenait chez Louise Valat à la Croix de Solan, chez Frédéric au bistrot de Brousse. Mais il y avait aussi, après la traite du soir, la longue promenade,  qui nous conduisait chez Larbre à Stolan. Mes cousins, plus âgés, étaient tout excités à l’idée de voir  Yvonne Larbre car des belles filles, on n’en rencontrait pas souvent au pied des châtaigniers ! Clémentine nous servait le lait et la crème et nous repartions  la nuit tombée. Heureux !

Et passèrent ainsi… les années… En 1958, à Brive, nous changeons de quartier et nous nous retrouvons entre la Roseraie et la Corrèze avec comme voisins une Famille Mourigal. Une dame, sa fille, son gendre et leur nièce. Tous les samedis, je les voyais partir  pour leur maison de Noailhac  d’où ils revenaient le dimanche soir. Les dames étaient couturières (et m’habillèrent, d’ailleurs). Je suis sûre que vous les avez reconnus : Madame Joséphine Delpeuch, Germaine et Marcel Mourigal et Jeannette leur nièce ! Lorsque Dany Lassalle a eu l’occasion de me montrer le portrait des époux Delpeuch dans leur jeunesse, j’ai été doublement émue. Tout d’abord par la beauté des visages, puis par le souvenir d’Edouard, combattant de 14, dont je n’ai connu que la tombe à Vitry le François.  J’étais en route pour Nancy quand m’est venue l’idée de cet arrêt respectueux et Mme Delpeuch et sa famille en ont été très touchées. Je n’avais pas prévu le banquet de remerciement qui m’attendait au retour !   Jeannette, tout le monde sait cela, épousa Jean-Louis Vergne et je me souviens de la robe de mariée toute en broderie anglaise. Une chose m’intriguait : Sur le faire-part était écrit «  La bénédiction nuptiale aura lieu à Noailhac en l’église St Pierre ès- liens ». Le voilà, pour moi, le raccord avec la restauration de l’église et le Saint Pierre réalisé cet été en 48 heures par Mr Marsallon et son  maître et maintenant posé sur son socle, tout à fait libéré de ses liens !

Je revis toute la famille Mourigal à Noailhac en 1982 lorsque nous fîmes appel à L’Entreprise Lestrade pour restaurer  notre maison de la Côte de Collonges. Hélàs, peu de temps après Germaine, restée seule,  tomba malade. Je ne la reconnus qu’à sa voix. Cet été 2012, ce furent des retrouvailles  affectueuses  avec Jeannette et Jean-Lou, dans le cadre de l’Association. J’admire le soin qu’ils apportent à leur jardin et à leur maison.

Il m’arrive d’aller quelques rares fois à la messe à Noailhac. Je me souviens particulièrement, Il y a quelques années, d’une Messe de Minuit. Marcel Meyssignac célébrait. La veillée avait été fort bien préparée  mais il faisait si froid que le prêtre, toque de fourrure en tête, invita les chauves (?) à se couvrir. Nous étions bien installés sous une rampe de chauffage lorsque POUF… pouf…pouf… la bouteille de gaz rendit l’âme. Dehors il faisait moins 8 °. Une charmante personne me demanda de faire une lecture : je lui suggérais quelqu’un de la paroisse mais elle me répondit : «  Ce serait un honneur pour nous  qu’une personne extérieure vienne lire ». Comment voulez-vous résister à cela ? Voilà une personne dont j’ignore le nom qui préparait mon adhésion.

Entre temps, nous allions régulièrement au restaurant « Le Chalet » et c’est d’ailleurs là que se fit le repas lors  des obsèques de ma mère. Souvenir à la fois triste et chaleureux. Nous avons beaucoup regretté la fermeture de ce lieu convivial qui offrait une cuisine familiale.  Dans un tout autre registre, nous avons apprécié « la Dame blanche ». C’est Georgette Andrès qui nous  fit découvrir ce restaurant atypique qui servait sur commande des repas de « tapas » comme en Espagne. Une suite de petites portions raffinées qui étonna tous ceux que nous y amènerions par la suite. D’ailleurs c’est là que j’offris à mes collègues de Toulouse mon repas de départ à la retraite. Repas arrosé de sangria d’un bout à l’autre. Curieusement, la route des « bois vieux », au retour, ne semblait plus tourner du tout ! Il fallut  accepter aussi que la « Dame blanche » s’envolât vers une retraite méritée mais   on retrouve ses  créateurs  à Noailhac lors des manifestations.

J’ai à cœur de signaler la place que Georgette Andrès  a occupée dans ma famille. Ma grand tante Joana était la grande amie d’enfance de sa mère  Louise Flavia -Valat et ce depuis les années 1905 ! Mes grands- parents avaient toujours gardé des liens avec Georgette et son époux. Ma mère, qui n’était pas très sociable faisait une exception pour Georgette. J’ai pu parler quelquefois en espagnol avec J. Andrès  et nous  lui avions même rapporté des photos de son village natal du sud de l’Aragon.

Vint le temps des veillées quand Georgette, restée veuve, s’ennuyait un peu. Voilà qu’elle me propose de venir dormir chez elle quand j’étais seule. Mais venaient aussi Clémentine, sa sœur et son amie Léonie de la Chatie ! Nous arrivions le soir à la tombée de la nuit. Peu de télévision, beaucoup d’anecdotes, et dans ce domaine Georgette excellait. Ce que nous avons pu rire ! Sur le coup de 11 h, nous commencions un petit réveillon avec ce que l’une ou l’autre portait. Puis ces dames m’envoyaient au lit « comme j’étais plus jeune » et elles restaient encore un bon moment. Le lendemain matin, j’étais réveillée par une bonne odeur de café qui montait de l’escalier. Nous déjeunions ensemble, puis chacune repartait ouvrir sa maison et vaquer à ses occupations. Pour ma part, cela ne dépassait pas trois  soirs de suite une à deux fois par an  et ce pendant quelques années. A pied ou à vélo, de jour ou de nuit, je faisais volontiers les 2kms et demi pour retrouver cette ambiance cordiale dont je me souviendrai toujours…

Me voilà bientôt embarquée pour un voyage dans le temps nécessitant des archives précieuses. En effet, une de mes cousines « Certain », dont le grand père était Collongeois, me demande comme cadeau de noces d’or, son arbre généalogique. Les archives de la Corrèze étant numérisées, ma tâche  fut d’autant simplifiée. Les villages de Collonges, Noailhac, Turenne, Ligneyrac ayant un passé très riche présentent des documents jusqu’en 1610 environ. J’ai eu plus de mal avec Sarrazac où tout s’arrête vers 1687. Malgré l’aide de notre ami Jean-Noël Pommier, très compétent en la matière, nous n’avons pu étudier le départ des différents « Certains » du lieu dit, « La Chassagne » où le château existe encore, comme à Chabrignac, mais en sous- sol. Grâce aux notes mémoratives de  G. Certain de la Meschaussée, aux parrains et marraines de Baptême, aux actes de mariage, nous avons pu retrouver une parenté entre les Certains de la Martinie, du Péchal, de la Coste et ceux de Collonges. L’arbre final est d’une grande richesse et nous avons offert quelques documents pour chaque branche à Linoire, à la Martinie, aux Dessus de Cerou et aux habitants de la Tour Leymonerie qui animent avec brio l’Association « Noailhac Mémoire et Patrimoine » : Dany et Christian Lassalle. Au passage, je les remercie de m’avoir fait connaître le livre de Mme Riconie dont nous espérons la réédition et je fais ici un clin d’œil à sa fille Dominique pour qui « Patrimoine » n’est pas un vain mot.

Je n’ai pas voulu déranger Vicente Vigreyos au château de la Coste pour des listes généalogiques qui ne le concernent pas. Le Céramiste d’art n’en est pas moins très sympathique comme j’ai pu le constater cet été à Noailhac lors de la « Remise du St Pierre ». Je lui ai dédié un modeste poème en Espagnol qui m’a valu une agréable réponse.

Dire « Le monde est petit » est un lieu commun  mais très souvent vérifié. Depuis quelques années, nous assistons au concert donné à Noailhac par les élèves du Conservatoire de Brive guidés par Ludovic Marchioro.   Ce nom chante dans mon oreille jusqu’à l’idée timide d’une possible relation entre une famille Marchioro, rencontrée à St Girons (Ariège) dans les années 80 et retrouvée  en 2000   à l’occasion d’un mariage. Lors d’une réunion de l’Association à Noailhac, je demande à Ludovic : « Votre maman ne s’appellerait-elle pas Liliane ? » Vous avez deviné la réponse !  Les Marchioro ont vraiment la fibre musicale : Liliane anime une chorale de 28 personnes.  Depuis, le lien est renoué avec elle.   Ludovic habite Orgnac et a pour voisin Raymond Jaladi !

La boucle est bouclée ! Voilà que je peux rapprocher tous les liens et les contenir dans un nœud solide. Mais il ne s’agit pas de souvenirs fanés aux parfums de fond de tiroir. Tout cela est bien vivant, vous l’avez constaté, et le parfum du bouquet devient à la fois frais et profond car Noailhac vit et s’épanouit de plus en plus grâce au regain vigoureux que nous constatons. La Mairie, les habitants, l’Association Mémoire et Patrimoine fourmillent de projets mais  surtout les mènent sur la voie de la réussite.

Je pense que tous auront à cœur de participer à la restauration de la belle église romane du village   si ce n’est déjà fait. «  Laissez parler vos cœurs », votre Commune le mérite vraiment.

M-R B J

Novembre 2012


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